Plusieurs experts étaient réunis, mercredi 25 novembre, lors d’une conférence en ligne organisée par Finance Watch, pour discuter de la proposition de règlement sur les marchés des cryptoactifs (MiCA), présentée par la Commission en septembre (EUROPE B12567A2). S'ils ont globalement salué l'ambition de la Commission d'agir pour mettre un terme au « Far West » des cryptoactifs, ils ont aussi estimé que plusieurs améliorations étaient nécessaires.

Auteur d’un rapport d’initiative pour le Parlement européen (EUROPE B12577A10), le député européen Ondřej Kovařík (Renew Europe, tchèque) a insisté sur la nécessité de catégoriser les cryptoactifs. La résolution adoptée par le PE souligne d'ailleurs l'importance d’avoir une taxonomie, ouverte et suffisamment détaillée, a-t-il rappelé. Et, selon l'eurodéputé, la proposition de la Commission semble manquer un peu de granularité à cet égard.

Elie Beyrouthy, président de la Fédération européenne des établissements de paiement (EPIF) et vice-président pour les affaires gouvernementales d'American Express, a lui aussi reconnu l’importance de cette initiative, mais a estimé que d’autres législations européennes devraient également être révisées, notamment la directive 'MiFID II', afin de créer un cadre approprié.

« Les consommateurs veulent avoir confiance dans le système », a-t-il insisté, prenant l’exemple de la solution de paiement international Western Union, connue pour être plus chère que les autres, mais qui continue à être largement utilisée en raison de sa fiabilité. M. Beyrouthy a espéré que la proposition 'MiCA' permettrait justement de renforcer la confiance des consommateurs.

De son côté, Wolf-Georg Ringe, professeur de Droit et de Finances à l’Université de Hambourg, aurait préféré une approche règlementaire un peu moins prescriptive et plus ouverte à l'expérimentation.

La Libra, le grand tournant

Tous s’accordent à dire que le projet de cryptomonnaie Libra de Facebook a poussé les États membres et l'UE à actualiser d'urgence leur cadre juridique afin de tenir compte des 'stablecoins' et des autres catégories de cryptoactifs.

« Le projet de règlement 'MiCA' porte la trace de ‘Libra’ partout sur lui », a déclaré Wolf-Georg Ringe, rappelant que l'initiative de Facebook avait été vécue comme une menace à la souveraineté européenne (EUROPE B12558A2) et que le sujet des ‘stablecoins’ était devenu éminemment politique.

Selon Virgile Perret de l’Observatoire de la Finance à Genève, si elle venait à voir le jour, la Libra pourrait bien être un « tournant » dans l'histoire de la monnaie. Malgré toutes les promesses d'inclusion financière, il ne faut pas oublier que sa motivation première est de concurrencer les banques et de renforcer le modèle commercial de Facebook, a-t-il néanmoins rappelé.

Les participants ont par ailleurs reconnu que les monnaies numériques de banques centrales pouvaient être des alternatives intéressantes.

Jürgen Schaaf, économiste et conseiller à la Banque centrale européenne (BCE), a fait part de la réflexion de l'institut monétaire sur le possible lancement d'un euro numérique. La BCE est dans une phase de « pré-enquête », a-t-il expliqué, et elle n’a pas encore pris de décision.

Pour l'instant, deux options semblent possibles : un euro numérique qui fonctionnerait comme un jeton ou alors qui serait basé sur un compte, a indiqué M. Schaaf. La BCE réfléchit par ailleurs à la manière d'atténuer les risques, par exemple en fixant un seuil pour le montant de monnaie numérique que les personnes pourraient détenir. (Marion Fontana)