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Retrouvez toute l'information économique et financière sur notre application Orishas Direct à Télécharger sur Play StoreENQUÊTE - Des réseaux criminels profitent de la crise du Covid-19 pour prêter à des entrepreneurs au bord de la faillite. La cellule anti-blanchiment de Bercy est en alerte.
L'alerte a été lancée depuis l'Italie à l'orée du printemps dernier. Alors que l' épidémie du Covid-19 bat son plein sur le territoire, les services de criminalité financière s'agitent en coulisses. Des dizaines d'enquêteurs, chargés de la lutte contre la mafia italienne, repèrent un afflux de transactions suspectes : des clans profiteraient de la crise pour prêter à des entrepreneurs au bord de la faillite, dans le but de blanchir leurs revenus d'activités criminelles.
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Leurs proies de prédilection : les PME et commerces en difficulté. Car certaines structures et magasins à court de trésorerie et en perte d'activité, ne pouvant plus s'adresser aux banques pour se re-financer, sont plus enclins à accepter l'«argent sale» de prêteurs peu conventionnels.
La Botte informe alors ses voisins européens de ces pratiques, afin qu'ils puissent se tenir prêt à l'émergence de tels phénomènes dans leur pays. «Les cessions d'activité et entrées au capital des entreprises représentent une typologie classique de blanchiment de capitaux. Chaque crise économique offre ainsi de nouvelles opportunités pour les organisations criminelles», explique au Figaro Soazig Ledan-Cabarroque, déléguée du Conseil National des administrateurs et mandataires judiciaires de France (CNAJMJ), en charge de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le phénomène de masse et l'ampleur inédite de la crise du Covid font qu'il est plus facile pour ces acteurs de passer inaperçus.
La cellule anti-blanchiment de Bercy se tient prête
Dans l'Hexagone, la cellule anti-blanchiment de capitaux de Bercy, Tracfin, se tient prête. Cette division du Ministère de l'Économie a rendu publique une note à ce sujet en mai dernier, appelant à la vigilance à moyen terme les banques, agents de change et autres acteurs devant déclarer toute transaction financière suspecte. Ses moyens humains et matériels d'enquêtes sont importants : elle dispose d'un service d'investigation élaborée, dotée de 160 personnes.
Entre les enquêteurs de Tracfin, la Direction de la police judiciaire, rattachée au Ministère de l'Intérieur, les équipes de la DGCCRF, différents acteurs de l'État sont mobilisés. Des partenariats étroits existent également entre Tracfin et la CNAJMJ, ainsi qu'avec les greffiers des tribunaux de Commerce et les notaires. Depuis 2013, la police judiciaire dispose d'officiers de liaison chez Tracfin.
Après les escroqueries aux matériels sanitaires (masques, tests), et les fraudes du chômage partiel , les enquêteurs de la police judiciaire s'inquiètent aujourd'hui du risque qui pèse sur les sociétés fragilisées. Coiffeurs, pressings, boulangers et petits restaurants, les commerces de proximité qui «brassent quotidiennement des espèces» représentent des cibles faciles pour des acteurs malveillants. «Les chefs d'entreprise cherchent une échappatoire à une situation financière complexe. On leur propose de racheter leur magasin à bon prix, ils ne vont parfois pas se poser plus de questions que cela», explique Anne-Sophie Coulbois, cheffe de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF).
Il peut notamment s'agir du rachat d'un fonds de commerce en difficulté, où des acteurs étrangers prennent un contrôle total de la société. À travers l'acquisition de commerces légitimes et d'immobilier bon marché, les organisations criminelles souhaitent jouir de structures à l'apparence légale pour blanchir de l'argent.
Parfois, la transaction initiale concerne une simple prise de participation au capital, un achat de créances ou encore l'acquisition d'une branche ou d'un segment d'activité de l'entreprise. Les accords passés entre des organisations et un dirigeant qui basculeraient du «côté obscur» sont plus rares, même si certains peuvent être amenés à ouvrir plus facilement leur capital à des investisseurs étrangers suspects pour garantir la pérennité de leur activité, explique Anne-Sophie Coulbois.
Pour l'heure, tous ces éléments restent au stade de l'hypothèse, car il n'y a eu encore aucun cas avéré de rachat de sociétés françaises par des individus liés à une organisation criminelle depuis le début de la crise sanitaire, précise la commissaire. Mais les autorités veillent au grain.
Des organisations criminelles d'origine étrangère
L'infiltration de l'argent provenant du trafic de stupéfiants dans l'économie réelle française reste non négligeable. C'est l'activité illicite qui génère le plus de revenus sur le territoire. Souvent, les organisations criminelles qui rachètent des entreprises fragilisées peuvent être des prestataires de services de blanchiment de capitaux pour d'autres organisations criminelles.
En France, elles sont plutôt d'origine étrangère, mais bien implantées sur le territoire depuis quelques années. Les organisations turques sont notamment très actives, précise-t-on de sources policières. La nationalité des malfaiteurs peut toutefois varier selon le contexte géopolitique. À cet égard, le pays collabore avec le Groupe d'action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental, qui évalue l'efficacité des mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le rapport d'activité de Tracfin datant de 2019 révèle que les opérations les plus hostiles en France provenaient surtout de fonds d'investissement chinois et russes.
Depuis janvier 2020, le service de renseignement Tracfin a traité près de cent déclarations de soupçon de blanchiment et confié une vingtaine de dossiers, liés directement ou indirectement à l'épidémie, à des administrations ou autorité judiciaires.
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Les Tribunaux de Commerce en alerte
Il est plus délicat de détecter des cas de fraudes quand le tribunal n'intervient pas directement dans une transaction de rachat d'entreprises. Tel est le cas lorsque l'entreprise ne fait pas l'objet d'un traitement judiciaire de ses difficultés financières.
Dans ce contexte néanmoins, l'acte juridique nécessaire à la réalisation d'une transaction doit tout de même passer dans les mains d'avocats, de notaires, d'experts-comptables ou d'établissements bancaires. «Ce sont à eux d'être vigilants. Ils peuvent faire des déclarations de suspicions auprès de Tracfin», explique la déléguée du CNAJMJ. L'agence de renseignement financier du Ministère de l'Économie pourra in fine s'opposer à une opération jugée suspecte.
Du côté des Tribunaux de Commerce, les entreprises en difficultés ne se sont pas précipitées pour ouvrir des procédures préventives (mandat ad hoc, conciliation) ou collectives (procédure de sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire). Car depuis mars dernier, les mesures d'aides gouvernementales, chômage partiel et prêt garantis par l'État (PGE) en tête, ont mis les entreprises en suspens. «L'exécutif a adopté des mesures de soutien financier exceptionnel aux entreprises. Ce qui a évité ou retarder, plus qu'en Italie, les dépôts de bilan», estime Anne Sophie Coulbois . Parallèlement jusqu'à fin août, les entreprises bénéficiaient d'un sursis pour se déclarer en cessations de paiements. De fait, le nombre de défaillances fut moindre par rapport aux années passées : elles ont diminué en moyenne de 42% du mois de mars à septembre.
Ces dernières semaines, le nombre de dossiers de restructurations concernant des TPE-PME monte au niveau des tribunaux de commerce, a expliqué mercredi la ministre déléguée à l'Industrie Agnès-Pannier Runacher. Bercy s'attend ainsi à une envolée des transactions suspectes dans les mois à venir, notamment autour du remboursement des PGE.
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Les Tribunaux de Commerce sont en alerte. «Nous formons les administrateurs et mandataires judiciaires à poser toute une série de questions : pourquoi tel investisseur veut s'intéresser à cette entreprise ? Quel est son intérêt ?», explique Soazig Ledan-Cabarroque, qui dirige des formations pour sensibiliser la profession à ces risques. Pour débusquer les tentatives de blanchiment à travers une offre de reprise ou de refinancement, ils évaluent principalement la cohérence des opérations, l'origine des fonds ainsi que la complexité du schéma d'acquisition.
Justifier des envolées de chiffre d'affaires
En 2019, les 440 administrateurs et mandataires judiciaires en France, travaillant sur les procédures préventives et collectives, avaient formulé 1272 déclarations à Tracfin. Parfois, les enquêtes, confiées à Tracfin ou au parquet, permettent de démanteler des réseaux de la criminalité financière. Une technique répandue est celle du «Smurfing» : des groupes mafieux recrutent des centaines de personnes qui auront chacun des capitaux à blanchir sur différents territoires.
Le statut des fonds européens est plus recevable car ils sont soumis en principe au même dispositif anti-blanchiment que la France. Selon la nature du pays, le tribunal sera peut-être amené à contraindre des acheteurs étrangers à déposer leurs fonds sur un compte bancaire français.
Enfin, les services de police interviennent sur le terrain de l'enquête judiciaire une fois les transactions suspectes réalisées. Le but est de matérialiser l'existence des infractions. Les enquêteurs peuvent par exemple vérifier s'il y a eu un changement dans l'activité réelle de l'entreprise, en comparant notamment les activités comptables et bilans d'une année à l'autre. «Si l'on constate que les nouveaux propriétaires brassent trois fois plus d'argent que les anciens, cela peut être suspect», explique Anne-Sophie Coulbois.
Pour des commerces comme des boulangeries, il serait peu plausible d'expliquer une envolée du chiffre d’affaires par un supposé «mouvement de rattrapage» des clients après la crise. Il faut, en outre, pouvoir justifier d'un point de vue économique des flux financiers importants.
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