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Inflation en Afrique : la croissance économique freinée par de multiples chocs

16/05/2025
Source : ORISHAS FINANCE
Catégories: Economie/Forex Taux

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Depuis quelques années, le taux d'inflation moyen en Afrique subsaharienne s'est accéléré au plus haut niveau. Cette tendance, soutenue par les prix des denrées alimentaires et de l'énergie ainsi que la dépréciation du taux de change met en péril l’essor économique et social des pays.

 

Pierrette COLICO

 

En Afrique, "la pandémie de Covid-19", "l’invasion de l’Ukraine par la Russie", "l'instabilité politique" de plusieurs régions du continent et le resserrement des conditions financières mondiales ont mis fin à une embellie relative de plus de deux décennies. En effet, les prix de la majorité des produits alimentaires de base flambent sur le continent. Les États, les consommateurs et le secteur privé se retrouvent sous pression. Dans un rapport publié le 16 février 2024, la Banque africaine de développement (BAD) a indiqué que « l’inflation a augmenté en Afrique depuis le début de la pandémie de Covid-19 et reste obstinément élevée, menaçant la stabilité macroéconomique ». Selon l’institution financière, « l’inflation moyenne sur le continent a été estimée à 17,8% en 2023, soit 3,6 points de pourcentage de plus qu’en 2022 ». La BAD a aussi indiqué dans son rapport que les pressions inflationnistes ont été alimentées par la hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires et de l’énergie ainsi que par des facteurs nationaux tels que les largesses fiscales, les chocs de l’offre agricole, et les effets de la dépréciation des monnaies nationales par rapport au dollar américain. Selon les estimations de la banque, la croissance moyenne du produit intérieur brut (PIB) réel a ralenti, passant de 4,1% en 2022 à 3,1% en 2023.

Pour exemple, le sac de farine de blé de 50 kg est passé de 11 000 à 23 000 francs CFA (35 euros) en Côte d’Ivoire, le prix du sucre à la hausse au Sénégal, au Mali et en Mauritanie, le litre d’huile et le kilo de pommes de terre qui flambent en Algérie. Sur les marchés traditionnels comme dans les supermarchés, la facture des courses alimentaires ne cesse de s’alourdir, entraînant des protestations contre la vie chère.

Le rapport Perspectives de l'économie mondiale du Fonds monétaire international (FMI) souligne que les économies en développement, notamment plusieurs pays d'Afrique, devraient connaître des taux d'inflation à deux chiffres. En effet, cette année 2025, le Soudan devrait connaître le taux d'inflation le plus élevé du continent, avec une hausse annuelle des prix à la consommation prévue de 118,9 %. Le Soudan du Sud le suit avec un taux d'inflation de 79,3 %. Pour sa part, le Nigéria, première économie d'Afrique, devrait connaître une hausse de 25 % des prix à la consommation. Le Burundi est également confronté à un taux d'inflation de 25,0 %. Aussi, le Zimbabwe, longtemps touché par l'hyperinflation, devrait connaître une hausse des prix de 23,6 %. En Éthiopie, le taux d'inflation devrait atteindre 23,3 %. L'Angola devrait enregistrer un taux d'inflation de 21,3 %. Les prix à la consommation en Égypte devraient augmenter de 21,2 %. En Sierra Leone, le taux d'inflation est estimé à 18,0 %. Le Malawi ferme la liste du top 10 avec un taux d'inflation de 15,3 %. C’est la première fois depuis 2008 que l’inflation moyenne dans la région atteindra de tels niveaux.

Du côté de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le Mali a affiché le taux d’inflation le plus élevé s’établissant à 8,3%, en février 2025. Ce taux est en hausse par rapport à celui de 7,6 % enregistré en janvier 2025, bien au-dessus de la fourchette cible de la Banque centrale comprise entre 1% et 3%, selon le bulletin mensuel des statistiques de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Cette hausse de l’inflation au Mali est due à l’augmentation des prix des « produits alimentaires et boissons non alcoolisées (8,2 %), du logement, de l’eau, de l’électricité, du gaz et autres combustibles (11,4 %), des services de restaurants et services d’hébergement (5,8 %), des services de soins personnels, protection sociale et biens divers (12,5 %) ainsi que des services d’information et communication (9,8 %) », estime le rapport de l’Indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC) de l’UEMOA.

 

La Guinée-Bissau (5,8%) est le deuxième pays ayant enregistré le taux d’inflation le plus élevé tandis que le Bénin a enregistré le taux le plus bas (0,1%). L’inflation dans la communauté s’est établie à 2,1% en février 2025, en baisse de 0,4 point de pourcentage par rapport au mois précédent. 

 

Les effets de l’inflation sur les petites entreprises

Les petites entreprises subissent des conséquences critiques lorsque l'inflation s'installe, en particulier en période de forte hausse. L'augmentation des coûts de production, les défis de tarification qui forcent les entreprises à augmenter éventuellement leurs prix, les problèmes de trésorerie, la réduction du pouvoir d'achat pour l'entreprise et ses clients, les problèmes de rémunération des employés dus aux négociations salariales et à l'inflation des prix à la consommation, et les difficultés de remboursement des prêts en raison de coûts d'intérêt probables plus élevés sont quelques impacts critiques émergents dont font face les petites entreprises.

Ainsi, en ce qui concerne l’augmentation des coûts de production, les prix des matières premières, de la main-d'œuvre et des services publics augmentent, ce qui met à rude épreuve les budgets des petites entreprises. L'inflation influence les habitudes de consommation. Face à la hausse des prix, les consommateurs ont tendance à se retenir d'acheter inutilement. Pour les petites entreprises, cela se traduit par une baisse de leurs ventes, surtout si elles ne peuvent pas répercuter ces coûts sur leurs clients. Les produits et services jugés non essentiels sont les plus sous pression. Des exemples concrets de ventes montrent que les consommateurs réduisent leurs dépenses en réaction, non seulement pour préserver leurs finances, mais aussi par crainte de nouvelles difficultés économiques.

S’agissant de la réduction des dépenses de consommation, la hausse des prix incite les consommateurs à se serrer la ceinture, ce qui affecte les ventes. Par rapport à la baisse des bénéfices, l’augmentation des coûts rend difficile le maintien des bénéfices. L'inflation pèse sur les marges bénéficiaires, obligeant les entreprises à jongler entre coûts bas et prix compétitifs. Les grandes entreprises pourraient mieux gérer cette pression, mais les petites entreprises travaillent souvent avec des marges initiales très faibles. L'inflation entraîne souvent une hausse des taux d'intérêt. Cela signifie qu'emprunter devient plus coûteux. Pour les petites entreprises, les prêts coûteux peuvent constituer un obstacle majeur. Au lieu d'utiliser les prêts pour leur croissance, les entreprises pourraient se retrouver à les utiliser simplement pour se maintenir à flot.

 

Les banques centrales africaines relèvent les taux directeurs face à l’inflation

 

Plusieurs institutions financières publiques haussent leurs taux directeurs sur le continent.

En effet, à l’issue de sa réunion tenue le 5 mars 2025, le Comité de Politique Monétaire (CPM) de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a décidé de maintenir le principal taux directeur auquel la Banque Centrale prête ses ressources aux banques à 3,50%, et le taux d’intérêt sur le guichet de prêt marginal à 5,50%, niveaux en vigueur depuis le 16 décembre 2023. Cette décision résulte de l’analyse de l’activité économique, de l’évolution des prix et de la situation extérieure de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

Pour sa part, la Bank Al-Maghrib a décidé à l’issue de sa réunion de politique monétaire tenue le 18 mars 2025, de réduire son taux directeur de 25 PBS à 2,25%. En termes de perspectives, la Banque Centrale anticipe un taux de croissance de l’économie marocaine de 3,9% en 2025 et de 4,2% en 2026.

Au terme de la première réunion du Comité de politique monétaire (MPC) tenue le jeudi 20 février 2025 la Banque centrale du Nigeria (CBN) a décidé de maintenir son taux d’intérêt de référence inchangé à 27,5 % après une hausse de 25 points de base en novembre. Cette décision intervient après six hausses consécutives des taux en 2024, totalisant 875 points de base.

Aussi, la banque centrale du Zimbabwe a annoncé sa décision de maintenir le taux d'intérêt de référence à 35% le 6 février 2025, laissant les coûts d'emprunt inchangés pour la deuxième fois consécutive. L'inflation mensuelle des consommateurs au Zimbabwe a grimpé à 10,5% en janvier 2025, une forte augmentation par rapport à un creux de quatre mois de 3,7% le mois précédent. L'inflation a également accéléré en termes de dollars américains. 

De son côté, la Banque centrale de Zambie a relevé son taux d'intérêt de référence de 50 points de base supplémentaires pour atteindre 14,5 % lors de sa réunion régulière du 12 février 2025, marquant la deuxième hausse consécutive du taux. Cette décision visait à contrer les pressions inflationnistes persistantes et à ramener l'inflation dans sa fourchette cible. Le taux d'inflation annuel de la Zambie s'élevait à un plus haut de plus de trois ans de 16,7 % en janvier 2025, inchangé par rapport au mois précédent, largement au-dessus de la fourchette cible de 6 à 8 % de la banque centrale.

Outre le relèvement des taux d'intérêt, certains pays africains ont mis en place des politiques restrictives en matière de change afin de renforcer les réserves, et de couvrir les importations. La montée inflationniste laisse le continent vulnérable face aux chocs alimentaires. Le Kenya, l’Ouganda, le Ghana, le Nigeria, la Côte d’Ivoire…, de nombreux pays africains sont secoués par des manifestations contre la baisse du pouvoir d’achat.

 

En réalité, la hausse des taux d’intérêt pour juguler l’inflation est un remède difficile à supporter. Non seulement elle freine la consommation, mais elle peut aussi faire tomber dans la spirale du surendettement ceux qui ont recours à un prêt en cas de coup dur, comme un problème de santé. « Il y a peut-être d’autres outils que le durcissement de la politique monétaire pour lutter contre la hausse des prix, il faut par exemple veiller à limiter la concentration dans certains secteurs comme celui du négoce des denrées alimentaires », suggère Cambiz Daneshvar, économiste à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, cité par le journal Le Monde.

Les pays pauvres souffrent des mêmes déboires qu’ailleurs sur la planète, en pire. Même si l’inflation ralentit, les prix à la consommation entre 10 % et 15 % supérieurs à leur niveau d’avant la pandémie restent élevés. Or, contrairement aux pays riches, les gouvernements des nations pauvres sont incapables d’amortir le choc pour les habitants. La crise rend encore plus insupportables les soupçons de corruption et la mauvaise gouvernance.

 

Propositions de solutions des gouvernements face à la pression inflationniste

 

Dans le document de la mise en œuvre de Politiques de Maîtrise de l’inflation en Afrique Subsaharienne, il est indiqué que le Ghana a officiellement adopté un cadre de maîtrise de l’inflation pour sa politique monétaire. Cela signifiait que la stabilité des prix était devenue le principal objectif de la banque centrale du pays. Au Ghana, le seuil d’inflation maximal est fixé à 5 pour cent tandis que, en Afrique du Sud, l’inflation doit être contenue entre 3 et 6 pour cent. Des taux d’inflation aussi faibles sont courants dans les pays de la région, même parmi ceux qui n’ont pas explicitement opté pour un régime de maîtrise de l’inflation.

La Bad exhorte les pays à adopter une politique monétaire anti-inflationniste soutenue par une politique budgétaire prudente, qui accélérerait la désinflation à moindre coût pour l’économie et boosterait la croissance en Afrique. Une stratégie coordonnée de traitement de la dette entre les créanciers publics et privés est recommandée face aux conditions financières mondiales tendues et à l’accumulation des paiements au titre du service de la dette pour plusieurs pays. Aussi, convient-il de réformer l’architecture mondiale de la finance et de la dette afin de réduire les coûts, les délais et les complications juridiques liés à la restructuration de la dette des pays en développement, suggère la Bad dans une note publique.  L’accélération de la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) devrait stimuler le commerce régional pour renforcer la résistance de l’Afrique aux retombées du ralentissement de la croissance économique mondiale et ainsi réduire le déficit commercial persistant. Selon la banque panafricaine, en Afrique, les mesures de politiques monétaires doivent être combinées à des mesures de politiques fiscales et structurelles pour faire efficacement face à l’inflation.


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