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Retrouvez toute l'information économique et financière sur notre application Orishas Direct à Télécharger sur Play StoreTrente jours se sont écoulés depuis la présentation par le gouvernement ivoirien de mesures hardies de soutien aux acteurs économiques pour atténuer l’impact de la pandémie à Covid-19. Financial Afrik fait un point de la mise en œuvre avec Louis S. Amédé, directeur général de la Fédération Nationale des Industries et Services de Côte d’Ivoire (FNISCI). Le moins qu’on puisse dire c’est que l’enthousiasme suscité auprès des industrielles par l’annonce de ces mesures semblent s’être estompé dès les premières dispositions de mise en œuvre. Interview.
Dans quelles mesures, la crise sanitaire du Coronavirus affecte l’activité industrielle en Côte d’Ivoire ?
L’une des toutes premières incidences économiques de la crise sanitaire à Coronavirus, a été la perturbation extrême des chaînes d’approvisionnement mondiales à partir des dernières semaines de janvier 2020, notamment en Asie puis en Europe. Ces chaînes agissant généralement comme une courroie de transmission de la dynamique économique mondiale du moment, leur dérèglement a donc logiquement affecté l’activité industrielle en Côte d’Ivoire.
A fin mars, des tensions étaient déjà ressenties sur les stocks d’intrants bruts et/ou intermédiaires généralement importés de la Chine, la production enregistrait une baisse sous les effets conjugués des difficultés d’approvisionnement et de la contraction de la demande -par rapport à la même période l’année précédente-, les livraisons étaient contraintes avec la mise en œuvre des premières mesures restreignant la mobilité et les interactions sociales. La magnitude de la baisse d’activité des industries manufacturières, de production d’énergie -qui constituent le gros des membres de la FNISCI- oscillait entre 15% et 18% soit en valeurs entre 30 et 120 milliards de FCFA. Toute chose qui laisse augurer des dommages que pourraient causer sur l’économie ivoirienne, la situation si elle venait à durer. Une simulation stochastique de l’économie ivoirienne dans le contexte de la pandémie à Covid-19 commanditée la FNISCI en vue d’apprécier l’impact de la perte de temps de travail sur la création de richesse au plan national indique que la perte de l’équivalent de 08 semaines de temps de travail -sur les 52 que compte l’année- pourrait coûter au pays environ 5 points de PIB soit en valeur à peu près 1 500 milliards FCFA.
Quelles sont les enjeux qui découlent de cette situation de baisse générale des activités ?
Le principal enjeu pour l’ensemble des pays de la planète, dont la Côte d’Ivoire, est la préservation de l’économie d’un effondrement. Car les ruptures dans l’approvisionnement, les baisses et pertes de production consécutives à des annulations de commandes, le déséquilibre des flux de trésorerie, les difficultés de livraison et d’exportation, l’augmentation des dépenses exceptionnelles liées à la protection du personnel et la restructuration des effectifs qui caractérisent globalement la situation exposent les entreprises industrielles à un risque de cessation d’activité. Ce risque croit malheureusement avec la persistance à durée imprévisible de cette crise. A fin avril, la baisse d’activité, au niveau du secteur industriel ivoirien, va osciller autour d’une moyenne de 35% à 50% avec plus de 18 000 employés mis en chômage technique. Il découle de cette situation que stabiliser l’appareil productif est l’objectif majeur immédiat à atteindre si on ne veut pas compromettre durablement les perspectives de reprise de l’économie, une fois la crise sanitaire passée. Car, elle finira bien par passer cette crise, bien que le bout du tunnel soit difficilement perceptible actuellement !
Cette perspective irréfragable emporte une interrogation essentielle : quel temps cela va-t-il prendre à l’économie nationale pour se relever de la crise? Et la question vaut pour tous les pays. Car cette échéance décisive sera d’autant plus rapprochée -ce qui est souhaité- que le plan de riposte économique et sociale adopté par l’Etat -en concertation constructive avec les acteurs économiques- aura effectivement contribué à forger la résilience opérationnelle de l’appareil productif national. C’est donc dire à quel point, il est déterminant que les mesures de ce plan soient bien calibrées du point de vue des priorités et des cibles à atteindre et parfaitement exécutées.
Le train de mesures annoncées par le gouvernement ivoirien pour riposter à la crise est ambitieux !
Effectivement ! Cela avait même nourri un certain enthousiasme dans le landerneau économique. Mais ce sentiment a été très vite douché, par les premières dispositions adoptées par le gouvernement pour opérationnaliser les mesures du plan. Malheureusement ! En effet, le 31 mars 2020, comme vous le releviez, le Premier ministre, Chef du gouvernement a décliné un Plan de soutien économique, social et humanitaire (PSESH) qu’il a évalué à 1 700 milliards de FCFA (environ 2,6 milliards d’euros), l’équivalent de 5% du PIB, précisant alors que ce plan avait un double objectif : atténuer l’impact de la pandémie sur les acteurs économiques des secteurs formel et informel et les populations et préparer une reprise des activités à la fin de la pandémie. Donc priorités bien définies !
Ce plan, je le réaffirme, a été salué, dans ces aspects généraux, par l’ensemble des organisations du secteur privé ivoirien, la FNISCI compris -bien que nous n’ayons pas manqué d’attirer l’attention des autorités sur la pauvreté du paquet de mesures en dispositions concrètes et claires de préservation de l’emploi. Après quasiment un mois, jour pour jour, de l’annonce du Plan, le dispositif de sa mise en œuvre, qui est en train d’être déployé, force interrogation. Notamment, sur sa capacité objective à produire pleinement les effets escomptés. Cette circonspection procède tout simplement de ce que, les voies de confinement du champ et de la portée des mesures qui sont empruntées dans ce cadre, au nom du containment de l’impact budgétaire du plan, tendent à vider ces dernières de leur substance avec le risque de limiter fortement les impacts positifs sur l’économie. Donc cibles discutables !Rien que cela ! Et l’inquiétude du secteur industriel, à ce sujet, la FNISCI n’a pas manqué de le traduire aux autorités par divers canaux.
Est-ce à dire que le secteur industriel et le gouvernement sont sur des longueurs d’onde différentes ?
Pas véritablement ! Il n’y a pas de divergence tranchée. Mais plutôt, je dirai, une convergence parallèle. Car, l’objectif d’éviter à l’économie nationale une forte dégradation est partagé par l’Administration et l’ensemble du secteur privé. Comment y parvenir, dans le contexte actuel de crise sanitaire inattendue à incidence déstabilisante sur l’activité économique, c’est à ce niveau que nous nous faisons comprendre très moyennement des pouvoirs publics. Les mesures de soutien aux entreprises du PSESH consistent principalement en différé de paiement, pour une période de trois mois, des impôts et taxes ainsi que certaines charges sociales. Le ralentissement ex-abrupto de l’activité économique -qui caractérise la situation- ayant pour corollaire un choc de trésorerie, les liquidités deviennent d’une importance décisive pour les entreprises. Et le report de paiement des charges fiscales a valeur d’appui -certes indirect mais précieux- aux entreprises, en flux de trésorerie ou en liquidité.
De ce fait, il nous paraît important qu’il bénéficie au plus grand nombre d’entreprises. La baisse brutale d’activité étant générale. L’Administration a préféré restreindre le bénéfice de la mesure aux seules « entreprises qui éprouvent des difficultés de trésorerie » et circonscrire le champ à un panier d’impôts et taxes si bien ciblés qu’au final, tout naturellement, cela est sans intérêt pour certaines catégories d’entreprises. La manœuvre, finement menée par l’Administration, a l’avantage, sur le très court terme, de minimiser l’impact de la mesure sur les finances publiques. Seulement on ne peut occulter le fait que la durabilité de l’impact de cette crise sur les économies dépend de l’efficacité des dispositifs adoptés pour répondre au défi immédiat de stabilisation de l’appareil productif. Nous ne pouvons, dès lors, qu’être réalistes ! Et même consternés quelque peu parce que, cette crise a la particularité de charrier aussi, tout de même, quelques opportunités industrielles. Mais obligées de faire avec des conditions cadres de gestion des contingences immédiates induites par la crise sanitaire, encore trop diffuses, les entreprises industrielles ivoiriennes sont quelque peu contraintes à l’expectative là où, certaines auraient pu être à l’offensive !
Parlant d’être offensif, qu’est-ce qui empêche donc les entreprises industrielles de partir à l’abordage comme le font actuellement leurs homologues du Maroc ?
Il en est ainsi simplement parce que la parole publique ou officielle peine à être porteuse de perspectives suffisamment nettes pour elles. Alors que la prédictibilité essentielle pour les entreprises en temps normal, est cardinale dans les circonstances de crise. Vous avez l’avantage de bien connaître le Maroc. Et vous savez que les toutes premières choses qu’ont fait les autorités chérifiennes, dans la gestion économique de la crise, ont été, de manière schématique, de définir des priorités politiques et économiques claires, dégager les options de soutien à l’économie qu’elles emportent et décliner de manière toute aussi claire que précise pour tous, les mesures opérationnelles. Dotées d’une lisibilité nette des actions de riposte économique et d’une visibilité dégagée quant à l’évolution de la politique publique de leur pays, les industries marocaines, ne peuvent qu’être à l’offensive.
Cela ne vient pas à l’esprit immédiatement, mais les mesures de trésorerie et de garanties qui constituent, dans nos pays, en général, le soubassement des plans de riposte économique à la pandémie présupposent que les entreprises soient suffisamment solides pour surmonter la crise en finançant les coûts par autofinancement et/ou recours à l’emprunt. Et cet état de fait emporte que les mesures de riposte économique contribuent, dans la phase actuelle de la crise, à renforcer la résilience opérationnelle des acteurs économiques. Si tel n’est pas le cas, on s’expose à des dégâts qui nécessiteront une réponse beaucoup plus importante, donc plus onéreuse, plus tard prévient, depuis quelques jours, la Banque mondiale. Le Maroc en Afrique, mais aussi, la Corée du Sud en Asie et l’Allemagne en Europe ont tous en commun d’avoir su prendre toute la mesure de la situation et agir en conséquence. Il ne peut en être autrement pour la Côte d’Ivoire eu égard à sa capacité d’entrainement sur l’économie de l’Uemoa.
Si donc, comme vous le sous-entendez, la Côte d’Ivoire ne peut durablement se soustraire à l’adoption d’un plan exhaustif et très précis d’appui à son secteur productif, quelles sont les perspectives objectives pour le secteur industriel ivoirien ?
En termes d’actions, actuellement, les énergies sont toutes orientées, faute de lisibilité claire de l’action publique, vers la gestion des contingences immédiates de la crise. Sur le front de la réflexion, les premières idées pour la reprise post-pandémie puis la relance économique commencent à nous être remontées par certaines de nos entreprises membres. La crise va bien finir par passer. Mais une chose est que le pays s’en sorte. Ce qui du reste ne fait l’ombre d’aucun doute. Une toute autre est de se relever de cette crise… et rapidement ! Et là, de la qualité du programme de relance économique qui sera mis en œuvre par les pouvoirs publics, sur la période 2021-2022, dépendra le dynamisme de la reprise…et par ricochet le temps que mettra l’économie ivoirienne pour recouvrer sa belle dynamique d’avant la crise ! Le secteur industriel, dans ses différentes composantes, travaille sur des propositions pour aiguillonner le gouvernement. Notamment pour la préparation de la loi de finances 2021 et la structuration des orientations nationales de développement pour la période 2021-2025.
Des analyses très primaires, ressortent déjà quelques certitudes structurantes des grands axes qui pourront être ceux d’un programme de relance économique porteur, au sens de nos entreprises membres : primo, le monde post pandémie aura une forte sensibilité aux questions de santé et d’hygiène avec une demande forte pour les produits de protection individuelle (gel hydro-alcoolique, masques, désinfectant…) et de santé ; secundo, des réponses fortes devront être apportées par l’Etat, au travers de mécanismes divers pour inciter les entreprises à maintenir leur effort et stimuler la consommation/demande ; tertio, le renforcement de la compétitivité et de la rentabilité des entreprises sera la pierre angulaire de la politique économique et financière et quarto, économie ne pourrait être faite d’une politique exhaustive d’investissements publics. Cette crise a révélé combien de fois, il était important que certains biens et services soient produits localement. La conviction des entreprises industrielles ivoirienne est que cette nouvelle religion de la relocalisation industrielles née de cet état de fait, il y a moyen de la capitaliser. Bien entendu, à condition d’une meilleure cohérence entre les options stratégiques officiellement déclamées et les dispositions opérationnelles prises, à cet effet. La qualité de reconstruction post-pandémie du Covid-19 est aussi à ce prix !
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