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Retrouvez toute l'information économique et financière sur notre application Orishas Direct à Télécharger sur Play StoreLE CERCLE - Sanction pénale des conseils et intermédiaires fiscaux (notaires, avocats, conseillers
patrimoniaux), rémunération des délateurs, cumul des sanctions pénale et fiscale, imprescriptibilité du
blanchiment de capitaux, mandat de dépôt… La répression de la fraude fiscale ne cesse de s'endurcir au
point de créer une véritable exception française. (Par Robin Binsard, avocat au barreau de Paris)
Tandis qu’une peine de quatre années de prison ferme assortie d’un mandat de dépôt a
récemment été prononcée par la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris le 13 septembre dernier, et
que la récente loi du 23 octobre 2018 a renforcé une fois encore l’arsenal de lutte contre la fraude
fiscale, il convient de s’interroger sur le caractère excessif, disproportionné et exorbitant de la
répression pénale des fraudeurs fiscaux.
Une répression des conseils fiscaux initiée par les juges et consacrée par la loi
Alors que le rapport de la commission PANA dénonçait en 2017 "l’asymétrie
réglementaire entre pays de l’encadrement des pratiques des conseils fiscaux", force est de
constater que le législateur a fait le choix d’alourdir fermement les sanctions encourues par les
conseillers fiscaux, qu’ils soient notaires, avocats, comptables ou gestionnaires d’actifs.
La première étape a été réalisée par la jurisprudence des tribunaux correctionnels. Dans
l’affaire Ricci, l’avocat de l’héritière a été condamné en tant que complice de
l’héritière, pour avoir apporté son concours à l’organisation frauduleuse de son insolvabilité. En
première instance, la peine de solidarité fiscale avait été prononcée, de sorte que le conseil encourait le
paiement d’une fraude estimée à plus de 10.000.000 euros dont il n’en avait été ni
l’initiateur, ni le bénéficiaire, ni même le cerveau. Fort heureusement, cette peine fut écartée en appel
au profit d’une amende forfaitaire de 10 000 euros à l’encontre de l’avocat.
Les professionnels des secteurs comptable, juridique et financiers visés
Dans l’affaire Wildenstein, le notaire de la famille a été renvoyé devant le tribunal correctionnel en tant
que complice de fraude fiscale. Les prévenus ont été relaxés, en ce que la loi applicable à l’époque ne
prévoyait aucune obligation déclarative des biens détenus au sein de trusts à l’étranger. Cette
décision d’une parfaite orthodoxie juridique rappelle l’importance des principes fondamentaux
du droit pénal, y compris en matière fiscale.
La loi du 23 octobre 2018 marque une seconde étape, celle de l’inscrip-tion dans la loi d’une
amende administrative pour les professionnels des secteurs comptable, juridique et financier ayant fourni
une prestation de conseil à l’auteur d’un manquement fiscal grave. Les mots de la députée
Karine Berger résonnent : "il y peut-être encore pire que de ne pas vouloir payer son impôt, que
l’on soit un particulier ou une entreprise, c’est le fait de conseiller l’un ou l’autre
pour qu’il ne paie pas l’impôt".
La rémunération des délateurs et le cumul des poursuites
Les "aviseurs fiscaux" pourront désormais être récompensés par l'administration fiscale en
fonction de fraudes qu'ils dénoncent, comme l'officialise un décret du 21 avril 2017. La
rémunération est discrétionnaire, et doit tenir compte de "l’intérêt fiscal de l’État" et
du "rôle précis de l’aviseur". Tout un programme…
Si leur dénonciation s’avère exacte, elle permettra l’engagement d’un contrôle fiscal,
ainsi que d’une procédure pénale si le montant des droits éludés ou la complexité du montage sont d’une suffisante gravité. En effet, au même titre qu’en Italie, le cumul des procédures fiscale et
administrative est admis en France, de sorte qu’un même manquement peut être sanctionné a deux
reprises, ce qui constitue une dérogation au principe de non-bis in idem consacré au sein de l’article
14 paragraphe 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Outre la double-procédure pénale et fiscale, la répression des fraudeurs fiscaux peut également être réalisée
sur le fondement du blanchiment de fraude fiscale. Tout manquement déclaratif comporte, par définition, la
dissimulation de capitaux, de sorte qu’une opération de fraude fiscale implique nécessairement la
réalisation d’un blanchiment de cette même infraction. Or, le délit de blanchiment étant une
infraction occulte, son délai de prescrip-tion ne compte qu’à la découverte de l’infraction, de
sorte qu’il s’agit, en pratique, d’un délit quasi imprescrip-tible. En d’autres
termes, dans le cas d’une fraude fiscale prescrite, l’administration peut toujours poursuivre et
sanctionner le fraudeur sur le fondement du blanchiment.
L’exceptionnelle sévérité des sanctions
Plus encore, le ministère public dispose également de la possibilité de poursuivre une même personne sur le
double fondement de la fraude fiscale et de son blanchiment, alors même que la jurisprudence interdit le
cumul du vol et du recel pour une même personne. En sus, les 80 % de majoration, l’amende
prononcée pour fraude fiscale peut atteindre 3 000 000 euros ou le double du produit tiré de
l’infraction, auquel il convient d’ajouter la sanction de confiscation du patrimoine propre au
blanchiment de capitaux.
La privation de liberté est également une hypothèse, en ce que l’article 1741 du Code général des
impôts prévoit "une peine de sept ans d’emprisonnement". La récente incarcération du
Maire de Levallois amorce un changement de paradigme, celui de l’avènement du mandat de dépôt
pour les fraudeurs fiscaux – une première en la matière, hors cas de récidive.
Un tel choix de politique pénale interroge sur le sens de la peine, dont les fonctions sont
"d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions, de
restaurer l’équilibre social, de sanctionner l’auteur de l’infraction et de favoriser son
amendement, son insertion ou sa réinsertion". On peine à comprendre en quoi la privation de liberté de
l’auteur d’une infraction, dont le préjudice est seulement économique, est susceptible de
restaurer l’équilibre social ou de permettre l’amendement de qui que ce soit.
Robin Binsard est avocat au barreau de Paris
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