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Le PDG de Facebook a défendu mercredi son projet de monnaie numérique devant les élus de la Chambre
basse américaine, qui craignent une concurrence nuisible à la suprématie du dollar. Il s’est engagé à ne rien
lancer avant d’avoir leur feu vert.
Le libra est-il mort ? Attaqué de toutes parts, le projet de monnaie numérique du réseau social, initialement
prévu pour un lancement mi-2020, était mercredi au menu d’une audition musclée du PDG de Facebook
devant la commission des finances de la Chambre américaine des représentants. Un match de catch en
costard au cours duquel Mark Zuckerberg, désormais rompu à l’exercice, a ployé et multiplié les concessions
mais sans rompre sur le fond devant l’adversité d’élus, notamment démocrates. «Notre but est de construire
un système de paiement, plus que de créer une monnaie. Puisque nous l’imaginons mondial, nous avons
pensé qu’il serait préférable de l’adosser à une cryptomonnaie.» En somme, un moyen de s’envoyer de
l’argent entre «amis», aussi facile et naturel que d’écrire un SMS, et pas du tout «une tentative de création
d’une monnaie souveraine».
A lire aussi«Il serait dangereux de laisser Facebook faire cavalier seul»
Une présentation on ne peut plus profil bas d’une devise virtuelle déjà surnommée par certains «ZuckBuck»
outre-Atlantique - jeu de mots avec buck, «dollar» en argot - et dont la simple annonce avait eu pour effet de
déclencher une tempête cybermonétaire, avant même que le moindre libra ne soit émis. Soucieux de calmer
le jeu et bien conscient que le réseau social «n’est pas le messager idéal en ce moment», celui qui se
considère comme un «capitaliste» a reconnu n’avoir «pas encore verrouillé exactement comment cela allait
fonctionner». Il s’est engagé à ne rien lancer «nulle part dans le monde» avant d’avoir obtenu le feu vert des
régulateurs américains et même à retirer Facebook de la Fondation Libra s’il apparaît qu’ils «n’arriv[ent] pas
à continuer en accord avec les principes qu[’il a] établis».
Patriotique
Mais pas de quoi complètement tirer un trait sur un projet qui, pour les 1,7 milliard de personnes non
bancarisées, dont 14 millions aux Etats-Unis, pourrait permettre de virer instantanément de l’argent à l’autre
bout de la planète gratuitement. «Vous n’allez probablement pas me croire, a rebondi Zuckerberg à la
question d’un élu républicain sur la genèse du libra, mais la manière dont nous pouvons gagner de l’argent
n’est pas la première chose dont nous parlons lorsque nous discutons d’un nouveau projet.»
Alors, en quoi le projet libra serait-il d’une telle importance pour Facebook, qui n’est pas réputé que pour sa
philanthropie ? Dans la foulée de David Marcus, chef de file du projet et ancien dirigeant de Paypal qui a pris
l’habitude de présenter le libra comme «la monnaie du monde libre», Zuckerberg n’a pas hésité à jouer à
fond la fibre patriotique. Un argument qui a fait mouche auprès de certains élus républicains, comme lorsque
le PDG de 35 ans a affirmé que le libra est «une bonne chose pour notre sécurité nationale» et «étendra nos
valeurs démocratiques et notre contrôle autour du monde». Au moment où la Chine, qui a déjà prévenu
qu’elle l’interdirait sur son sol, s’active sur son futur cryptoyuan - «Une fois lancé, le libra de Facebook sera
inarrêtable», expliquait récemment son responsable, Changchun Mu -, bloquer définitivement le projet
mettrait en danger le dollar et le leadership américain dans la finance. «Les Chinois sont nos plus grands concurrents et les Etats-Unis prennent un risque en n’innovant pas», a pointé Zuckerberg en rappelant que
Pékin avait justement choisi un partenariat public-privé pour lancer sa propre monnaie numérique, «qu’ils
sont bien décidés à exporter dans le monde». A ce jour, le yuan ne représente que 2 % des paiements à
l’échelle planétaire.
«L’alternative n’est pas Zuckerberg ou Xi Jinping», a recadré le démocrate Vicente Gonzalez après que le
patron de Facebook a reconnu avoir pris conscience «que d’aller en Chine pouvait empêcher les entreprises
américaines de défendre les valeurs de notre pays». Et à ceux qui lui reprochent d’écorner la suprématie du
dollar en ayant choisi d’adosser sa cybermonnaie à un panier panaché de grandes devises, parmi lesquelles
l’euro et le yen, Zuckerberg s’est dit favorable à ce que cette réserve de l’ordre de 200 milliards de dollars
(180 milliards d’euros) contienne plus de 50 % de billets verts, et même ouvert à «l’option» 100%.
Ambitions
A ce stade, il allait de soi que le lancement du projet, auquel ont à ce jour renoncé 7 des 21 partenaires de
départ, parmi lesquels les cautions du secteur des paiements Visa et Mastercard, serait très probablement
retardé. Si le libra n’est pas officiellement mort mercredi au Congrès américain, il risque d’attendre
longtemps. Au moins le temps que les Etats, réveillés par les ambitions de Facebook, essuient les plâtres
avec leur propre cryptomonnaie.