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CEDEAO : Les enjeux de la monnaie unique

23/09/2019
Source : Le Soleil
Catégories: Information générale

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Prévu pour 2020, le projet de la monnaie unique de la Communauté économique des États d’Afrique de
l’Ouest (Cedeao) semblait en bonne voie, au sortir de la dernière conférence des chefs d’État, le 29 juin
2019, à Abuja (Nigéria). Un consensus s’était dégagé autour de la dénomination «
éco » pour la monnaie
unique, et un régime de change flexible assorti d’un ciblage d’inflation, avait été adopté comme cadre de
politique monétaire. Or, la sortie controversée du Président ivoirien, Alassane Ouattara, début juillet, plaidant
pour un taux de change fixe entre « l’
éco » et l’euro, a démontré que la Cedeao faisait toujours l’objet de
luttes d’influence sur les caractéristiques de sa monnaie unique. Deux fronts se confrontent, d’un côté,
certains pays de la zone franc, emmenés par la Côte d’Ivoire, frileux à l’idée de quitter leur « confort
monétaire » actuel pour une nouvelle aventure dominée par le mastodonte nigérian, et d’autre part, les autres
pays de l’entité régionale, qui souhaiteraient mettre en place une monnaie autonome et flexible. Ce
dissensus pourrait remettre en question le projet de la monnaie unique, et par ricochet, le projet d’intégration
régionale de la Cedeao, dans une de ses finalités. Il serait, néanmoins, plus judicieux pour certains chefs
d’État de la zone franc, de respecter l’engagement pris le 29 juin 2019, à Abuja, afin de consolider et de ne
pas annihiler les acquis en termes d’intégration, de ces quatre dernières décennies.
Cependant, rien n’a filtré concernant la mise en place de « mécanismes d’ajustement », censés répondre aux
chocs asymétriques qui toucheront la future zone monétaire ouest-africaine. Dans le débat actuel, beaucoup
misent sur le respect des critères de convergence de la Cedeao, pour optimiser la mise en place de la future
zone monétaire ouest-africaine. Rappelons que les critères de convergence ne servent juste qu’à uniformiser
les « préférences sur les indicateurs économiques », et n’ont pas vocation à jouer le rôle de stabilisateur
macroéconomique. Pour rappel, un choc asymétrique se définit comme une perturbation sur l’offre ou la
demande d’un type de biens, et ne touche qu’une partie, voire un seul pays d’une zone monétaire. Par
exemple, un choc de demande négatif sur le pétrole (baisse des cours pétroliers) affecterait négativement le
Nigéria, mais serait bénéfique aux autres États membres de la Cedeao, qui sont des importateurs nets d’or
noir. Ne pouvant être résolu par des politiques communes consensuelles, un choc asymétrique nuit à la
cohésion dans une union monétaire, tout en créant des divergences dans les cycles économiques des pays
membres.
Zone monétaire optimale
Pour se prémunir de chocs asymétriques, une union monétaire doit remplir certaines conditions. Si l’on se fie
à la « théorie traditionnelle de la Zone monétaire optimale (Zmo) », définissant les conditions ex ante pour la
formation d’une union monétaire, la Cedeao ne bénéficie pas actuellement des caractéristiques d’une zone
monétaire optimale. Inspirée en 1961, par le prix Nobel d’économie de 1999, Robert Mundell, la théorie de la
Zmo s’est progressivement enrichie de nouveaux critères, avec notamment ceux de Mackinnon (1963),
Kenen (1969), Ingram (1969), Johnson (1970), Fleming (1971), Cooper (1977) et Kindleberger (1986). Par
souci de simplification, nous confronterons uniquement les trois principaux critères d’optimalité de la théorie
de la Zmo, au cas de la Cedeao.
Selon Mundell, la mobilité des facteurs de production (main d’œuvre + capital) dans une union monétaire, est
un mécanisme d’ajustement permettant de lutter contre les chocs asymétriques. En effet, lors de chocs
asymétriques, la migration des travailleurs des «pays économiquement déprimés» vers les «pays
économiquement prospères», permet à ces pays de retrouver un équilibre sur leur marché du travail, ainsi
qu’un équilibre de leur balance commerciale. La migration du capital permet, quant à elle, de transférer le
capital inutilisé des «pays économiquement déprimés» vers les «pays économiquement prospères». D’après
une étude de «l’International centre for migration policy development» , 84 % des migrations ouest-africaines
sont intra-régionales. Cette mobilité ouest-africaine, liée en règle générale, à la recherche d’un emploi,
s’explique principalement par les similarités culturelles et historiques entre les différentes populations de la
sous-région. De plus, une étude du «Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement»
 démontrait que les capitaux étaient relativement plus mobiles dans l’espace Cedeao, qu’en Europe. Au
regard de tous ces éléments, la Cedeao semble donc satisfaire au critère de la mobilité des facteurs de
production de Mundell. Cependant, dans le cas de la Cedeao, la mobilité des facteurs de production ne sera
pas un mécanisme d’ajustement très efficace, au vu des taux de chômage déjà important dans les «pays
économiquement prospères» de l’organisation ouest-africaine.
Selon MacKinnon, un degré d’ouverture économique important entre les États membres d’une union
monétaire, entraîne une dépendance commerciale, qui permet une convergence de leur cycle économique,
et implique donc qu’ils sont moins soumis à des chocs asymétriques. Or, dans le cas de la Cedeao, la
proportion du commerce intracommunautaire dans le commerce total des États de la Cedeao, ne dépasse
généralement pas les 15 %. Ce faible commerce intra-régional s’explique par le fait que les économies de la
Cedeao ne produisent que très peu de biens finis, ce qui ne favorise pas leurs échanges. Notons que le
déficit infrastructurel important au sein de la Cedeao, dans des secteurs clés, comme les transports et
l’énergie, constitue également un frein aux échanges intracommunautaires. Au vu de ces éléments, la
Cedeao ne satisfait donc pas au critère du degré d’ouverture économique de MacKinnon.
Selon Kenen, la diversification de la production des économies d’une union monétaire, leur permet d’être
moins sensibles aux chocs spécifiques à un ou plusieurs de leurs secteurs productifs, ce qui implique qu’elles
sont plus résilientes aux chocs exogènes, et donc moins confrontées aux chocs asymétriques. Dans le cas
de la Cedeao, la structure de production reste peu diversifiée et est dominée par le secteur tertiaire, qui s’est
rapidement développé ces dernières années, et par le secteur primaire. Le secteur secondaire reste peu
développé, étant la conséquence de l’échec des politiques d’industrialisation des pays de la communauté
ouest-africaine. L’industrialisation et une politique infrastructurelle efficiente, joueront un rôle moteur dans le
processus de diversification économique des États de la Cedeao, avec, à la clé, la réduction de leur
exposition aux fluctuations des cours internationaux de leurs matières premières, et l’amélioration du solde
de leur commerce extérieur. Elles permettront également à la population croissante du continent, de devenir
un atout démographique, en offrant des millions d’emploi à la jeunesse africaine, ce qui favorisera un
développement économique durable, et surtout inclusif. A l’heure du grand débat mondial sur l’écologie, il est
évident que le processus d’industrialisation africain, devra être pensé sous l’angle du respect de
l’environnement, du fait de la menace posée par le changement climatique, qui affecte déjà les agriculteurs
du continent. Sous cet angle, la Cedeao ne répond donc pas au critère de diversification économique de
Kenen.
Ainsi, la future zone monétaire ouest-africaine n’échappera pas à la survenue de chocs asymétriques, du fait
de sa non-optimalité actuelle. Il sera donc nécessaire de mettre en place des mécanismes d’absorption,
jouant le rôle de «stabilisateur contracyclique», afin de rendre viable et de crédibiliser le projet de
monnaie
unique dela Cedeao
.
Mécanismes d’ajustement
Selon une conception assez répandue dans la littérature économique, une zone monétaire ne peut subsister
durablement, sans qu’existe en parallèle, une union budgétaire en son sein. Une union budgétaire, dans le
cadre d’une zone monétaire, implique la création d’un «budget commun», ayant pour objectif de soutenir
l’activité des États membres traversant des difficultés économiques, par des transferts financiers. Ce type de
budget, alimenté par les contributions nationales des pays membres, sert de régulateur macroéconomique,
en atténuant les divergences économiques, à la suite de chocs asymétriques. La mise en place d’un tel
budget permettrait donc d’améliorer la capacité de résistance de la Cedeao, aux chocs asymétriques.
Les détracteurs de ce type de budget, notamment dans la zone euro, ont généralement pour arguments, le
fait qu’il entraine une perte de «souveraineté budgétaire» et un transfert systématique de ressources, des
pays «riches/vertueux/efficients», vers les pays «pauvres/vicieux/inefficients». Il est nécessaire de leur
rappeler que la logique du «tous pour un et un pour tous» est nécessaire à la survie de toute union
monétaire, ce qui implique que les considérations souverainistes nationales soient mises de côté. C’est
certainement la principale leçon qu’on pourrait d’ailleurs tirer de l’expérience monétaire européenne. Sur le
deuxième point, qui lui est plus recevable, il sera nécessaire d’ériger une entité indépendante au sein de la
Cedeao, qui sera chargée du contrôle des comptes publics des États membres, tout en ayant le pouvoir
d’établir des sanctions strictes envers ces derniers, dans le but de promouvoir une gestion budgétaire
vertueuse. L’accès à ce «fonds commun» devra également être conditionné au respect des règles
budgétaires de la Cedeao.
Il serait également intéressant de créer une agence au sein de la Cedeao, qui serait mandatée en son nom,
d’émettre les dettes des États membres connaissant des difficultés économiques, suite à des chocs
asymétriques. En bénéficiant de la «qualité de la signature» de l’organisation ouest-africaine, cette agence
donnerait l’opportunité aux États «les plus fragiles économiquement», de se financer à moindre coût, pour
relancer leur conjoncture économique. Garanties conjointement par tous les États membres de l’union
monétaire, ces émissions de dettes renforceraient une solidarité d’ordre financier au sein de la Cedeao.
Quant à la future Banque centrale de la Cedeao, il serait avantageux de lui octroyer la possibilité d’acheter les dettes de ses États membres sur le marché primaire, à l’image de la Réserve fédérale aux Etats-Unis
(Fed). Le but de cette mesure n’est clairement pas de monétiser la dette des États membres sans conditions,
mais plutôt de procurer à la Banque centrale de la Cedeao, un outil de dissuasion, qui désincitera les
spéculateurs à attaquer les dettes ouest-africaines, en cas de graves crises économiques. Enfin, la mise en
place d’une union bancaire ouest-africaine unifiée et solide, sera une nécessité, pour surveiller et résoudre
les potentielles crises bancaires dans la région.
Solidarité interétatique
En conclusion, le respect des critères de convergence actuels de la Cedeao, jouera un rôle notable dans la
convergence des cycles économiques des États membres, mais ne sera, en aucun cas, une condition
suffisante, pour éviter et lutter contre les chocs asymétriques. Sans l’instauration de «mécanismes
d’ajustement solidaires», la future zone monétaire de la Cedeao serait clairement vouée à l’implosion, du fait
de sa non-optimalité. Avec comme seul outil la politique budgétaire, les gouvernements ouest-africains
auraient comme seuls «leviers d’actions», en cas de chocs asymétriques défavorables, la restriction de leurs
dépenses (dont les dépenses sociales) et la mise en œuvre de politiques d’austérité, qui entraineraient
forcément des coûts sociaux élevés. Ces mesures contribueraient à accroitre les divergences entre les
économies de la sous-région, et finiraient par alimenter un sentiment «anti-
éco».
Le projet d’intégration régionale de la Cedeao participe à la vision d’une Afrique unie, dont l’esquisse a été,
très tôt, tracée par les pères fondateurs de l’organisation ouest-africaine. Prises isolément, les économies de
la Cedeao, souvent tributaires de celles des pays dits développés, ne représentent rien dans «la mare»
qu’est l’économie mondiale. En s’unissant à travers une monnaie unique, les États de la Cedeao, qui étaient
la 21ème puissance économique mondiale en 2018 (avec un Pib global légèrement supérieur à 600 milliards
de dollars US), d’après les chiffres de la Banque mondiale, auraient donc l’opportunité de se positionner sur
l’échiquier économique mondial, et d’avoir enfin, une voix qui compte dans le concert des nations.
ParLamine BA
Economiste diplômé d’un master de recherche en macroéconomie monétaire et bancaire de l’Université Paris
2 Panthéon-Assas

 


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